Les politiques publiques en faveur de la transition vers la voiture électrique se structurent un peu partout dans le monde : en 2021, la Chine obligeait ses constructeurs à vendre l’équivalent de 40% de leur chiffre d’affaires en voitures électriques, alors qu’en juin 2022 l’Union Européenne votait l’interdiction de vendre des véhicules thermiques neufs d’ici 2035. Pourtant, une caractéristique technique fondamentale distingue les véhicules électriques des véhicules thermiques : le stockage de l’énergie nécessaire au fonctionnement du moteur. Le pétrole constitue en lui-même une énergie auto-stockée, qu’il suffit de raffiner, alors que l’électricité doit d’abord être produite puis stockée chimiquement dans une batterie ad-hoc, complexe et onéreuse. C’est d’ailleurs cette même batterie qui représente jusqu’à 50% du coût total d’une voiture électrique : au mois de juin aux Etats-Unis, une voiture électrique s’achetait en moyenne 66 000$, contre 48 000$ en moyenne sur l’ensemble du marché automobile1, soit un surcoût de presque 40%.
Coût de production moyen, 2020
Source : Oliver Wyman, Financial Times; est. Bernstein
Concrètement, un pan complet de la transition énergétique repose sur les questions suivantes : serons-nous capables de réduire suffisamment le coût des batteries à performance égale ? Pourrons-nous faire de la voiture électrique une alternative viable, comparée aux véhicules thermiques ?
De nombreux progrès réalisés depuis les années 1990
Depuis les premières batteries Lithium-ion (appelées « Li-ion ») vendues par Sony en 1992, le prix d’une cellule de stockage a chuté de 98% en moins de 30 ans. La cause de cette baisse des coûts est multiple : elle provient des économies d’échelle liées à l’explosion des usages (notamment dans les voitures électriques), d’une optimisation continue des procédés de fabrication ainsi qu’une connaissance affinée de la chimie des batteries qui s’est traduit par une optimisation du mix de matériaux qui composent ces dernières.
Prix d'une batterie Lithium-ion ($/kWh)
Source : IEA, Tesla, BloombergNEF
En 2021, le prix moyen d’une batterie était d’environ 132$/KWh2 contre 917$/KWh en 2011. Cette réduction du prix de plus de 85% en 10 ans a permis de compresser le coût de production des véhicules électriques, qui s’est de facto rapproché de celui des voitures à combustion. Il est généralement estimé qu’une voiture électrique a un prix d’achat équivalent à celui d’une voiture à combustion lorsque le coût de sa batterie franchit la barre des 100$/KWh. Une baisse des coûts de batterie de plus de 30% par rapport aux niveaux de 2021 semble donc nécessaire pour s’assurer d’une transition rapide vers le 100% électrique3.
Une réduction du coût des batteries qui semble s’essouffler
Depuis plusieurs trimestres pourtant, le coût des batteries Li-ion classiques n’a été que très peu comprimé. Dès 2021 et en dépit des progrès de conception, la demande pour les voitures électriques a créé des goulots d’étranglement au niveau des matières premières utilisées dans la production, comme le lithium, le cobalt et le nickel4. Pour tenter de mieux contrôler l’approvisionnement mais aussi pour réduire les coûts d’assemblage et de transit, plusieurs producteurs de véhicules électriques avaient déjà fait le choix de sécuriser leurs propres usines de production. En 2021, Tesla et Panasonic avaient signé un partenariat dans lequel le groupe japonais produirait directement les batteries du constructeur dans l’usine de voitures située au Nevada. L’approche est identique en Chine où CATL, le plus gros fabricant de batteries au monde, a construit une usine de batteries ad hoc à côté de l’usine Tesla de Shanghai. Malgré tout cela, la tendance baissière des prix des batteries menace de s’inverser en 2022 par rapport à 2021 – une première depuis l’émergence des modèles Lithium-ion dans les années 1990.
Prix des composants d'une batterie Lithium-ion (base 100 janvier 2019)
Source : Benchmark Mineral Intelligence
L’espoir d’une nouvelle technologie de batteries
Pour atteindre la barre fatidique des 100$/KWh – soit le niveau nécessaire pour atteindre la parité de coût entre l’électrique et le thermique, l’innovation en électrochimie aura probablement un rôle à jouer.
A ce jour, plusieurs sociétés ont annoncé travailler sur des nouveaux procédés de production et sur des nouvelles chimies de batteries. En 2020, Tesla et Panasonic annonçaient concevoir un nouveau type de Li-ion (les « 4680 ») opérationnel dès 2023 qui offre une meilleure densité énergétique5 que les batteries Tesla actuelles et une conception plus optimisée, qui réduirait encore les coûts. En termes d’innovation électrochimique, la société américaine Enovix a conçu un nouveau type de batteries avec une anode6en silicium (« Si ») capable de stocker une plus grande quantité d’ion lithium qu’une anode classique en graphite : la densité énergétique de la batterie est multipliée par trois avec un prix par KWh réduit ! La production de batteries « Si » a déjà débuté pour certains smartphones et devrait être rendue accessible à la voiture électrique dès 2025. Certaines sociétés tentent d’aller encore plus loin : QuantumScape a pour projet de remplacer l’électrolyte liquide par un électrolyte solide : ce sont les fameuses batteries « Solid-state », a priori plus simple à construire que les « Si » avec une meilleure intensité énergétique.
Source : Flash Battery, QuantumScape
Le constat reste clair : les nouvelles chimies évoquées plus haut ont encore du chemin à faire avant d’être commercialisables à grande échelle. Le relativement jeune secteur des batteries n’en reste pas moins un vivier d’innovation qui semble offrir de palpitantes perspectives pour un pan entier de l’économie comme l’automobile ou les technologies portables. Un peu à la manière du secteur des semi-conducteurs avant lui.
Achevé de rédiger le 28/10/2022 par Quentin Lelong, analyste au sein de Dubly Transatlantique Gestion.
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