Alors que Donald Trump reprend la présidence des États-Unis le 20 janvier 2025, les contours de sa politique économique se dessinent clairement. Fidèle à ses slogans « America First » et « Make America Great Again », il entend renforcer les mesures protectionnistes et de soutien à l’économie domestique qui avaient caractérisé son premier mandat, et poursuivies, dans une certaine mesure, par son successeur démocrate.
Des nouvelles mesures controversées pour favoriser l’économie domestique
L’administration Trump prévoit de prolonger les réductions d’impôts introduites en 2017 pour les ménages et les entreprises, dont une grande partie arrive à expiration entre fin 2025 et 2028. De nouvelles baisses fiscales sont envisagées, notamment une réduction supplémentaire de l’impôt sur les sociétés, qui passerait de 21% à 15%.
Concernant les investissements publics, en particulier ceux liés à l'Inflation Reduction Act (IRA) qui soutiennent les énergies vertes et l'industrie manufacturière, d'importantes modifications sont à prévoir. Trump souhaite recentrer les subventions afin de limiter le financement de la transition énergétique, en particulier dans les secteurs de la production de batteries, du solaire et de l'éolien, jugés trop dépendants des importations chinoises. Par exemple, les nouveaux projets éoliens sous contrôle fédéral risquent d'être annulés. Actuellement, seuls 16% des constructions prévues sont en cours, selon la société Eaton, tandis que 40% des projets sont retardés, d'après le Financial Times. En somme, pas d’économie sur le plan des subventions, encore moins sur la fiscalité.
L’enjeu est que Trump hérite d'une économie vigoureuse mais marquée par un déficit historiquement élevé dans un contexte de plein emploi, à hauteur de 6,4% du PIB en 2024. Son administration vise un retour du déficit public à 3%, en misant essentiellement sur une croissance encore plus forte : déréglementation pour libérer la concurrence et l'investissement dans plusieurs secteurs (énergies fossiles, secteur financier), et nouvelles taxes douanières pour inciter à produire sur le sol américain. Enfin, pour assainir les comptes publics, une nouvelle entité, le Department of Government Efficiency (DOGE), sera créée. Dirigée par des entrepreneurs milliardaires proches de Trump, tels qu'Elon Musk et Vivek Ramaswamy, cette instance ambitionne d'économiser jusqu'à 2 000 milliards de dollars, soit l'équivalent du déficit public actuel… ou 2,5 fois le budget de la défense.
Le risque de tensions commerciales accrues
L'approche « America First » pourrait exacerber les tensions commerciales avec les principaux partenaires des États-Unis (Chine, Mexique, Canada, Union Européenne), via de nouvelles barrières douanières et la renégociation des accords commerciaux, perturbant potentiellement la croissance économique.
Cependant, les entreprises sont mieux préparées qu'en 2018. Depuis la crise de 2020, beaucoup ont diversifié leurs chaînes d'approvisionnement pour améliorer leur résilience. Nombre d'entre elles relocalisent leur production de la Chine vers les États-Unis, profitant des incitations de l'IRA et du Chips Act, ou vers d'autres pays asiatiques comme l'Inde et le Viêtnam. Toutefois, la Chine conserve une position de force dans plusieurs secteurs stratégiques et a commencé à ralentir délibérément ses exportations de biens clés, retardant certaines relocalisations.
Malgré ces tensions, la politique de Trump conserve une dimension « pro-business ». Outre les entreprises nationales, des incitations seront proposées aux investisseurs étrangers dépensant plus d'un milliard de dollars aux États-Unis. Il est également dans l’intérêt des entreprises américaines que les relations ne s’enveniment pas entre les partenaires commerciaux. Tesla, par exemple, continue de bénéficier de subventions américaines tout en élargissant sa présence en Allemagne et en Chine. Les autorités chinoises souhaitent d’ailleurs utiliser Elon Musk, PDG de Tesla et conseiller personnel de Trump, comme « pont » entre Washington et Pékin dans les négociations.
Enfin, les États-Unis disposent d’atouts majeurs pour renégocier avec ses partenaires, en particulier ses voisins immédiats (Canada et Mexique), qui connaissent des contextes politiques difficiles, ainsi que la Chine, dont l’économie en besoin de stimulation ne souhaite certainement pas voir ses problématiques domestiques (récession immobilière, crise de confiance des ménages, démographie en berne) exacerbées par des tensions extérieures.
La note salée de la politique « America First »
La politique « America First » inquiète également en raison de ses effets potentiellement inflationnistes. Les nouvelles taxes douanières et les relocalisations coûteuses pourraient se traduire par des hausses de prix pour les consommateurs. De plus, la réduction de l'immigration pourrait aggraver l'inflation salariale. La Fed pourrait alors être contrainte de maintenir des taux d'intérêt élevés, compliquant la réduction de la dette publique et pesant sur les marchés financiers.
Quant au déficit public et son effet boule de neige sur l’endettement public 1, les marges de manœuvre restent limitées. Selon Elon Musk lui-même, les économies budgétaires prévues par le DOGE sont jugées trop optimistes. Le poids des dépenses publiques est largement inférieur à celui d'autres États développés (36% du PIB aux États-Unis contre 49% en Allemagne et 58% en France), rendant le rééquilibrage budgétaire complexe sans une croissance nominale soutenue (i.e. faire croître le dénominateur plus fort que le numérateur, déficit ou dette).
Un pari risqué mais stratégique
Forts de leur dynamisme économique (et technologique avec l’IA), les États-Unis pourraient imposer leurs conditions dans les négociations commerciales et devenir un territoire encore plus attractif pour l’investissement. Toutefois, les tensions avec les partenaires économiques, les pressions inflationnistes et la dette publique représentent des obstacles majeurs. Les prochains mois seront déterminants pour évaluer l'efficacité de cette politique et son impact à long terme.
Achevé de rédiger le 24/01/2025 par Hafid Lalouch, gérant-analyste.
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