Player vidéo
Transcription de la vidéo
Interview de Quentin Lelong, analyste financier chez Dubly Transatlantique Gestion.
Qu’est-ce-que l’Inflation Reduction Act ?
Vous avez sans doute entendu parler de l’Inflation Reduction Act (ou « IRA »).
Ce texte fait beaucoup parler de lui, puisque certaines sociétés européennes craignent déjà de perdre en compétitivité face à la concurrence américaine. L’IRA est un plan public de soutien à l’investissement sur le sol américain, effectif depuis août 2022. Il soutiendra financièrement le développement de la transition énergétique sur le territoire américain pendant les 10 prochaines années. L’objectif est de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport aux émissions de 2005. Les États-Unis avaient déjà lancé un 1er plan d’infrastructure en 2021, qui est un plan ambitieux de développement des réseaux de transport. Un 2ème plan intitulé le « Chip & Science Act » a également été acté en 2022 pour venir en soutien aux secteurs technologiques dit « stratégiques » comme les semi-conducteurs. L’IRA est donc le 3ème volet d’une campagne de soutien à la compétitivité et à l’indépendance de l’économie américaine.
Pourquoi les États-Unis accélèrent les investissements dans la transition énergétique ?
L’État américain est préoccupé par sa dépendance vis-à-vis de certains matériaux et entreprises stratégiques. Les industries liées à la transition énergétique (comme la production de batteries, la production de panneaux solaires ou de voitures électriques) se sont principalement développées en dehors des États-Unis. Par exemple, la Chine représente à elle seule près de 80% des capacités de production de batteries dans le monde. Elle détient également près de 85% des capacités de production des composants qui constituent les panneaux solaires. Avec l’IRA, les États-Unis entendent accélérer les investissements dans les énergies propres. Ils entendent également moins dépendre de l’Asie sur les chaînes d’approvisionnement des matériaux critiques, comme le lithium (pour les batteries) ou les terres rares (pour l’éolien ou les moteurs électriques).
Concrètement, comment l’IRA fonctionne-t-il ?
L’État américain accordera des crédits d’impôts, des subventions et des prêts aux ménages et aux entreprises sur le sol américain. Par exemple, les ménages qui souhaitent acheter une voiture électrique percevront un crédit d’impôt qui pourra atteindre 7 500$. La contrepartie est que les composants présents dans la batterie aient été conçus ou assemblés aux États-Unis ou un pays partenaire. On retrouve les mêmes mécanismes pour les achats de panneaux photovoltaïques à installer chez soi. Les sociétés, elles, auront accès à des subventions diverses pour leurs investissements en lien avec la transition énergétique. Il y a là aussi plusieurs conditions d’obtention, comme par exemple des critères d’embauche ou de production sur le sol américain. Le plan de soutien à l’investissement englobe beaucoup d’industries différentes. Des sociétés comme Air Liquide ou Linde, qui produisent et vendent des gaz industriels, vont bénéficier des subventions sur la construction des usines de capture de carbone pour le compte de tiers. La production de l’hydrogène (notamment l’hydrogène bas carbone) sera également subventionnée.
Quelles sont les conséquences pour l’Union européenne ?
Au-delà de la transition énergétique, l’IRA est aussi un excellent moyen de soutenir le tissu industriel américain. Plusieurs sociétés implantées en Europe ont annoncé qu’elles réfléchissaient sérieusement à accélérer leurs investissements aux États-Unis pour pouvoir bénéficier des subventions, et ce au détriment de leurs investissements sur le territoire européen. Volkswagen pense par exemple pouvoir bénéficier d’environ 10 milliards de dollars de subventions sur les 10 prochaines années. Mécaniquement, ces subventions rendent la production de batteries pour ses voitures électriques bien plus attractives aux États-Unis qu’en Europe. Face à cette concurrence jugée déloyale, L’UE a annoncé qu’elle porterait plainte à l’OMC. Elle travaille en parallèle sur un plan européen similaire à l’IRA, qui devrait être présenté à l’été 2023.
En conclusion, l’IRA apparaît comme un outil au service de la transition énergétique, mais il est surtout un excellent soutien à l’industrie sur le sol américain. Ce plan a visiblement des conséquences politiques, puisqu’il met en avant la volonté des États-Unis de rester la seule superpuissance économique face à la montée de la Chine. Reste à savoir comment cette dernière va réagir sur le long-terme.